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Transmuter le rôle du « sauveur »

Lorsque l’enfant est conçu, il lui est immédiatement transmis le poids de sa famille. Chacun de ses ancêtres, et notamment ses parents voire même ses frères et sœurs, qui n’ont pas transcendés leurs blessures, lui demandent (plus ou moins consciemment) de les délivrer. Et le syndrome de sauveur se dessine alors…

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L’enfant est le fruit d’une transmission génétique. Sur l’encodage qu’il porte, il y a, dans les mémoires cellulaires, autant les sublimations de ses ancêtres que les meurtrissures. L’enfant qui nait est donc « programmé » à faire évoluer les gènes de sa famille et, de manière plus large, de l’humanité.

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Bien souvent, la conception de l’enfant est « corrompue » par ses parents. Ainsi, est transposé sur lui des demandes bien spécifiques. L’enfant peut servir pour se conformer à l’attente générale de la société, l’Être croit alors que se sont ses désirs profonds d’avoir des enfants alors qu’il est enchainé à une représentation du bonheur qu’on lui inocule : « se marier », faire des enfants, avoir une maison est encore le schéma bien ancré du bonheur et du devoir des individus (où chacun à un rôle spécifique à jouer selon les objectifs de l’ego collectif). Il peut aussi permettre d’avoir une place dans la communauté (le rôle de mère, de père). L’enfant peut avoir un rôle social et représentatif. Il peut servir à préserver une lignée, un statut, une fonction, des privilèges (par la continuité de nom par exemple). L’enfant peut être conçu dans le but de réparer le couple parental et/ou de garder le conjoint près de soi ou de faire pression sur lui (faire un enfant à l’autre pour qu’il reste). L’enfant peut ainsi être un faire-valoir, un besoin de se sentir utile, un moyen d’exister, se sentir aimé et pouvoir aimer. L’enfant peut-être aussi un déversoir de la souffrance de ses parents, le souffre-douleur. Il peut être le transfert de la détresse parentale ou encore un enfant de remplacement par rapport à un autre décédé (nier un deuil). En fonction du sexe de l’enfant et de celui des parents, l’enfant peut-être alors imprégné d’un rôle spécifique, d’une blessure particulière. Il peut être perçu comme la prolongation du parent, qui va projeter sur l’enfant ce qu’il est, en niant l’individualité de son enfant, il cherche alors à travers sa progéniture, d’être ce qu’il n’a pas pu être dans sa propre vie ou de poursuivre ses fantasmes voire ses vengeances ou son besoin de justice.

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Il peut-être aussi le fruit d’une violence perverse, de malveillance consciente, de secrets (enfant d’un viol ou d’un inceste par exemple). Il devient alors le stigmate du non-dit, du ressentiment. Pour trouver sa place, sa légitimité, l’enfant n’a de cesse de vouloir sauver ses parents de la violence qu’ils ont subie et de sortir de l’abjection dont il est issu…

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L’enfant est le fruit d’une attente (plus ou moins consciente) qu’il soit ou non la consécration de l’amour de ses parents. Il est donc, dès la conception, dans une mission octroyée par ses parents et de manière plus générale par ses ancêtres. Cet enfant ne peut alors être dans le plein épanouissement de son Êtreté puisqu’il est enchainé aux projections parentales et aux blessures transgénérationnelles non résolues de la famille. Le poids de ce qui lui est demandé est tellement lourd, que l’enfant va alors intégrer ce rôle de sauveur tout en ignorant ses ressentis et donc sa justesse. L’Être nie alors ce qui l’anime pour correspondre à ce rôle, faire plaisir à ses parents, être fidèle à sa famille et ses ancêtres. Habillé de cette tenue de sauveur, il s’éteint et cesse d’exister par lui-même, pour lui-même.

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Ceci s’accentue lorsqu’il y a inversion des rôles, l’enfant devenant le parent de son père et/ou sa mère. Il ne peut alors trouver sa place d’enfant et se sent dans l’obligation de s’occuper de son parent. Ce dernier pouvant être dépressif, malade, sous l’emprise d’un conjoint(e) violent(e), dépendant à l’alcool ou stupéfiant, dans le rejet des autres, etc, le parent est instable, inapte à s’occuper de lui-même et donc de l’enfant. Le parent ferre alors sa progéniture dans ce rôle de sauveur en le conditionnant dans des attitudes et paroles avilissantes (« sans toi, je ne serai plus de ce monde », « ma vie n’a pas de sens sans toi », « tu es l’homme de la famille maintenant » etc). L’enfant oublie d’être un enfant pour prendre soin de son parent et va endosser de nombreuses responsabilités qui ne sont pas les siennes. Sauver son parent, est une question de survie (pour lui, sauver son parent, c’est se sauver lui-même)

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Le parent embourbé et dans le déni de ses déséquilibres, sa famille à travers ses cellules, cherche en l’enfant les réponses à leurs questions, les solutions à leurs problèmes, les réparations à leurs blessures. Il est leur sauveur, l’espoir, leur libérateur… L’enfant est donc élevé pour trouver ce qu’ils cherchent et non pour lui permettre de déployer ses ailes. Et l’enfant prend ce rôle de sauveur dans l’espoir d’être accueilli par sa famille, d’être aimé par ses parents. Pourtant, au fond de lui, il ressent les déséquilibres, et plus il intègre ce rôle de sauveur, plus il s’éloigne de lui-même.

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Plus le temps passe, plus ce rôle de sauveur lui colle à la peau, cela peut même devenir une raison de vivre. A force de s’être éteint, être un sauveur lui donne une raison d’exister, lui donne un rôle, une place, de l’attention et un sentiment d’amour. A l’âge adulte, ce rôle de sauveur est amalgamé à ce qu’il croit être. Ainsi, il veut aider les autres, il est le confident, l’épaule, le protecteur, la personne sur qui on peut compter. Il choisit ses proches, ami(e)s, conjoint(e), en écho à son rôle. Il rejoue alors l’enfant qui recherche sa place, à s’émanciper, et joue à la fois ce rôle de sauveur sous couvert d’une bienveillance déguisée. Il attire les victimes ou les cherche voire les victimise pour prendre son rôle. Au niveau professionnel, l’être se retrouve facilement dans des métiers d’aide (thérapeutes, coach, corps médical, pompier, services et conseils à la personne, etc), sa profession devenant l’exutoire représentative du sauveur… Son aide est alors dommageable (dans un lien de dépendance) parce que l’être n’est pas en équilibre.

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Le sauveur est aussi prédisposé à s’attacher à ce rôle. En effet, la religion a instrumentalisé l'humanité à croire que c'est par l'extérieur (l'autre) que la libération de ses souffrances peut s'effectuer. L'Être qui endosse le rôle de sauveur est donc perçu comme un être vertueux voire exceptionnel puisqu'il délivre du mal, aide à apaiser, etc. L'ego s'entiche donc aisémet de ce rôle, cette couverture qui va placer les Êtres en attentes pour ne pas se sauver eux-mêmes mais aussi transformer d'autres personnes en sauveurs qui vont en réalité dominer et prendre le pouvoir sur les victimes qui viennent à eux. Ceci est d'ailleurs accentué et maintenu par les croyances, contes véhiculés de super-héros, de prince ou princesse charmante, etc qui viennent protéger et sauver les autres...

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Le sauveur n’est pas altruiste, son action agit à deux niveaux. D’une part, comme il ne s’aide pas lui-même, il cherche à travers son action de sauveur à s’apporter et se réparer lui-même (il donne à l’extérieur ce qu’il ne se donne pas à l’intérieur). Il se pénalise aussi lui-même, occupé à sauver les autres, il ne se vient pas en aide, ne se libère pas de ses souffrances. Enchaîné à ce rôle, il ne réussit pas à être. Il cherche également à ce que cet autre, lorsqu’il est aidé, lui donne en retour (même s’il s’évertue à le nier !) ; il se nourrit ainsi de la reconnaissance et l’attention de l’autre parce qu’il se sent existé et aimé à travers ce rôle.

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Être le sauveur, c’est aussi prendre la responsabilité d’une blessure qui n’est pas la sienne, c’est aussi entraver la liberté de l’autre en lui empêchant de trouver ses réponses et solutions lui-même, c’est le priver de se mettre en action et d’être autonome. Le sauveur domine l’autre. Il est alors un oppresseur qui utilise « l'aide » pour assoir une forme de supériorité et ne pas se remettre en question. Il tient l'autre par son « pouvoir ».

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Lorsque l’Être cesse d’être fidèle aux blessures familiales, aux réactionnels qui en découlent et d’être le sauveur de ces ancêtres, alors il arrête de se faire impacter par ses mémoires et va s’en servir. Ces mémoires ne sont des poids que si l’Être les subies dans l’ignorance de ce qu’elles transmettent, c’est-à-dire des informations. C’est donc dans l’écoute attentive du message des symptômes qui s'activent en lui (vu avec de la hauteur ils sont une bibliothèque génétique d’un déséquilibre) qui vont permettre à l’Être de se défaire de la blessure familiale (et ouvrir du même coup, une sublimation familiale). L’être a donc à revenir en lui, dans ce face à face où il regarde son chaos intérieur. Il commence alors à distinguer ces blessures propres de celles de sa famille. Dans celles qui lui sont singulières, il va chercher l’origine, l’élément déclencheur et va le dénouer dans le présent comme dans le passé. Pour celles transgénérationnelles, à ces symptômes qui ne s’attachent à rien, il va se défaire de l’attente familiale et la rendre à qui de droit, qu’il ait ou non identifié le membre de la famille. Il n’a pas et ne peut pas aider ces aïeux.

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Il va cesser d’aider les autres car personne n’a à sauver personne. Chacun est responsable de ses états, de son mal être ou de son bonheur. En prenant là aussi de la hauteur, il va se servir de son élan de sauveur, sans chercher à sauver l’autre, mais pour ressentir le déséquilibre qu’il perçoit dans la situation et qui vient faire écho en lui. Il utilise alors le message pour non seulement travailler la blessure qu’il s’active en lui mais aussi être dans la justesse envers l’autre (agir ou se mettre en retrait). Si cette justesse passe par une action (notamment pour les thérapeutes, les soignants, etc) l’Être ne se place pas en tant qu’aidant ou sachant mais comme accompagnateur. Il s’oublie, sort du « moi » pour guider l’autre à aller vers sa solution propre. Cela sous-entend que l’Être est un fin connaisseur de lui-même pour faire la différence entre ses blessures personnelles et celles des autres, pas d’amalgame… Son action ne se fait d’ailleurs que sur la DEMANDE de l’autre. L’Être se place alors dans une consciente haute, d’âme à âme et non d’ego à ego. Une demande égotique est un attachement. Et aucune aide n’est à apporter à quelqu’un qui n’en fait pas la demande, c’est une question de respect et de liberté.

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« Aide-Toi et le ciel t’aidera ». L’Être transmute le sauveur en prenant la responsabilité de son état, de qui il est et en rendant la responsabilité de leur vie à ses pairs. Le sauveur n’est autre qu’un transgresseur (avec les autres) et un aveugle (se concernant). Le sauveur n’est plus. L’Être fait alors un avec lui-même, le bas et le haut, il est son refuge et se vient en aide. Il devient alors acteur en discernant et lâchant-prise. La justesse l’équilibre et c’est ainsi qu’il transmet et donne autour de lui…

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Assister n’est pas « aider »,

Soyez la main tendue pas la main qui donne.

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Céline (05/17)

https://www.desvaguesalame.com/

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